Mesures d’accompagnement: un élément clé pour la participation aux infrastructures de recherche

La Suisse joue un rôle important dans les infrastructures de recherche internationales. Afin de renforcer la position de la Suisse, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) soutient la participation d’acteurs suisses à ces infrastructures par des mesures d’accompagnement ciblées, qui encouragent l’innovation technologique et la coopération multidisciplinaire. Les développements qui en découlent trouvent des applications allant bien au-delà du domaine scientifique.

14.01.2025
Auteur/e: Simon Berger
Prises de vue d'un grand télescope pendant l'éclipse du soir.
Prototype LST-1, situé sur l’île de La Palma aux Canaries. En service depuis 2018, le grand télescope a déjà donné lieu à quelques publications scientifiques retentissantes. Photo: Alicia López-Oramas, IAC

Grâce à une approche bottom-up flexible, les institutions soutenues peuvent utiliser les fonds pour des projets interdisciplinaires, en fonction de leurs besoins, et s’organiser de manière autonome au sein de la communauté scientifique. La responsabilité incombe toujours à une institution. Pour la période FRI 2021-2024, le SEFRI a fixé quatre priorités, développées ci-dessous.

SKACH: radiotélescope de nouvelle génération

Le Square Kilometre Array Observatory (SKAO) sera le plus grand radiotélescope jamais construit. La précision des observations effectuées apportera un éclairage nouveau sur la naissance de l’univers. Ses deux réseaux d’antennes sont actuellement installés en Afrique du Sud et en Australie. Coordonné par l’EPFL, le consortium suisse SKACH est chargé d’organiser la coopération entre la recherche et l’industrie.

La participation de la Suisse est assurée par trois mesures: le positionnement des institutions et des entreprises actives dans la construction des radiotélescopes, le soutien à la gestion du projet en Suisse et le développement d’algorithmes permettant d’analyser la quantité phénoménale de données disponibles. Le stockage et le traitement des données de SKAO, dont le volume pourrait atteindre 600 pétaoctets par an, sont assurés par un réseau décentralisé de centres de calcul, comprenant notamment le Centro svizzero di calcolo scientifico (CSCS) de Lugano.

CTAO-CH: contribution de la Suisse à l’astronomie gamma

Le Cherenkov Telescope Array Observatory (CTAO) sera le plus grand observatoire terrestre pour l’astronomie gamma de très haute énergie. L’Université de Genève dirige le consortium suisse CTAO-CH et joue un rôle clé dans le développement des grands télescopes et de systèmes de contrôle et de traitement des données innovants.

Les mesures du SEFRI soutiennent trois activités fondamentales: la construction de télescopes sur l’île de La Palma (Canaries) et dans le désert d’Atacama (Chili), le développement d’un système de contrôle pour la gestion des télescopes ainsi que le traitement et le stockage des données, afin que les chercheurs suisses puissent avoir accès à ces données.

CSCS: des centres de données pour la science de demain

Situé à Lugano, le CSCS sert de centre névralgique pour le traitement centralisé des données dans le cadre de projets tels que SKAO et CTAO. Les énormes quantités de données produites par ces observatoires y sont stockées et analysées. Des outils destinés à la recherche scientifique y sont également mis à disposition.

Les mesures du SEFRI encouragent la création de l’un des quatre centres de données externes pour le CTAO et la participation au réseau SKAO pour les centres régionaux de calcul.

CHART: l’innovation au service des technologies des accélérateurs

Le projet de collaboration «Swiss Accelerator Research and Technology» (CHART) a pour objectif de promouvoir le développement de technologies pour les accélérateurs de particules de demain. Placés sous la direction de l’Institut Paul Scherrer, des instituts de recherche et des partenaires industriels suisses de premier plan unissent leur expertise pour développer des aimants à haut champ et des modèles d’accélérateurs innovants susceptibles de trouver des applications dans le domaine médical, dans les sources de lumière synchrotrone et dans l’industrie.

Bien établie, la collaboration CHART passe notamment par des partenaires internationaux dans les domaines de l’énergie et de la fusion nucléaire. Elle apporte une contribution essentielle à la formation d’ingénieurs, de techniciens et de chercheurs hautement qualifiés.

Chantier dans le désert avec des antennes télescopiques en arrière-plan.
Les fondations d’une antenne SKAO située dans le désert du Karoo en Afrique du Sud. À l’arrière-plan, quelques antennes du réseau de télescopes MeerKAT, inauguré en 2018. Photo: SKAO/Bruce Boyd
Prises de vue d'une installation de serveurs en lumière violette.
Armoires dans lesquelles sont stockées les données de l’infrastructure de recherche Alps du CSCS à Lugano. Une partie des données provenant des observatoires SKAO et CTAO y sont également traitées et analysées. Photo: CSCS
Un aimant à haut champ composé de câbles de cuivre - et de bobines.
Refroidi à 12 kelvins (environ -261 degrés Celsius), il a atteint une intensité de champ de 18,2 teslas dans le trou de forage grâce à une technologie innovante de supraconducteurs à haute température. Cela représente plus du double de la puissance des aimants du Grand collisionneur de hadrons du CERN. Photo: Paul Scherrer Institut/Markus Fischer

Succès obtenus et perspectives

Dans le cadre du Forum qui s’est tenu en novembre 2024, le SEFRI a présenté les résultats relatifs aux mesures d’accompagnement pendant les années 2021-2024. Les participants ont souligné les succès obtenus, notamment en matière de collaboration multidisciplinaire et d’innovation technologique, et ont échangé leurs idées sur les possibilités d’amélioration continue. Étant donné que la planification, la construction et l’exploitation des infrastructures de recherche s’étendent sur plusieurs décennies, les participants ont également réfléchi à la manière dont les mesures d’accompagnement pourraient passer à un système uniforme à partir de 2029 et ainsi mieux tenir compte de cette réalité.

Lors du forum, quatre jeunes chercheurs issus d’institutions ayant bénéficié de fonds d’encouragement ont présenté leur travail et donné au public des exemples de réussite rendue possible grâce aux mesures du SEFRI. 

Le pipeline informatique de SKAO

Pour SKAO, le traitement des données représente un véritable défi technologique, car les radiotélescopes génèrent d’énormes quantités de données. Les données passent des antennes à un réseau de centres régionaux de données via deux processeurs de signaux. De cette manière et grâce à du matériel et des logiciels spécialisés, le flux de données peut être réduit de 2 pétabits par seconde à 100 gigabits par seconde. Les universités suisses développent à cet effet des algorithmes évolutifs et efficaces, tout en préservant la précision scientifique. 

Le grand télescope LST-1 du CTAO

Situé sur l’île de la Palma, le LST-1 est le prototype des quatre grands télescopes du CTAO. Composé de 181 miroirs individuels, ce télescope de 23 mètres de diamètre et de 45 mètres de haut constitue une véritable prouesse technique. Il pèse environ 100 tonnes et peut pivoter de 180 degrés en seulement 15 secondes grâce à un puissant moteur de 1 MW. Des chercheurs suisses ont en outre contribué à la création du système de contrôle ACADA, qui permet aux utilisateurs de piloter tous les sous-systèmes du télescope à partir d’une interface unique, de la saisie des données aux travaux de maintenance. 

Traitement des données destinées à l’astronomie au CSCS

Un télescope unique ne produit pas un volume de données suffisant pour recourir au supercalculateur Alps du CSCS. Son usage se justifie en revanche avec des réseaux de télescopes tels que ceux de SKAO et CTAO. En effet, même déjà traitées, les données représentent un tel volume que des analyses supplémentaires nécessitent de faire appel à des superordinateurs tels qu’Alps. Les premières données du LST-1 ont déjà été traitées au CSCS. Celui-ci a par ailleurs développé une interface permettant aux chercheurs d’effectuer leurs analyses scientifiques sur Alps. 

Développement d’aimants supraconducteurs

Le développement d’aimants à haut champ a longtemps été limité par des processus de fabrication lents et des retours d’information tardifs. Le recours à des «produits minimum viables» a permis à l’équipe MagDev du CHART de réduire les délais de fabrication d’aimants supraconducteurs à base de niobium-étain (Nb3Sn) et de travailler aujourd’hui à un processus de fabrication industrielle. Elle mène également des recherches sur les aimants à haut champ en ReBCO, une nouvelle classe de céramiques supraconductrices à haute température. Ces matériaux rendent possible un refroidissement moins coûteux ou une intensité de champ magnétique plus élevée dans un design plus compact. 


Contact
Simon Berger, SEFRI Conseiller scientifique, unité Organisations internationales de recherche simon.berger@sbfi.admin.ch +41 58 462 11 33
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Simon Berger