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Les hautes écoles suisses s’engagent toujours plus en faveur de la durabilité

Le rapport d’évaluation 2021 du WWF sur la durabilité dans les hautes écoles suisses dresse un bilan globalement positif. Il montre à quel point les concepts de durabilité revêtent une importance stratégique pour les hautes écoles en tant qu’institutions de formation, de recherche et de services.

01.03.2023
Auteur/e: Laura Stirnimann

Développement durable dans le domaine FRI

Dans son message relatif à l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation pour les années 2021 à 2024, le Conseil fédéral traite trois thèmes transversaux du domaine FRI, à savoir la numérisation, l’égalité des chances et le développement durable. À l’échelle mondiale, le développement durable constitue la pierre angulaire de l’Agenda 2030 de l’ONU et de ses 17 objectifs. En 2017 et en 2019, le WWF s’est déjà intéressé à la manière dont les hautes écoles suisses intègrent les multiples facettes de la durabilité dans leur organisation et leur stratégie et dans leurs activités d’enseignement et de recherche. Son étude la plus récente, menée avec le concours d’econcept, a permis de faire de nouveau le point en 2021. Cette évaluation de la situation a pu être réalisée grâce à la participation de 28 hautes écoles qui ont accepté de répondre au questionnaire élaboré à cet effet.

Évolution de l’ancrage de la durabilité dans les hautes écoles

La prise en compte du développement durable dans les hautes écoles est certes un phénomène plutôt récent, mais la plupart des hautes écoles suisses intègrent déjà systématiquement à leur fonctionnement l’approche de durabilité. L’étude 2021 du WWF montre que le développement positif observé dans l’étude de 2019 s’est confirmé et se poursuit. C’est principalement au niveau des directions des hautes écoles que des progrès notables ont été relevés. La plupart des hautes écoles ont en effet développé une stratégie de durabilité assortie d’un catalogue de mesures.

À ressources différences, progression différente

Les hautes écoles universitaires (HEU) s’intéressent depuis longtemps à la question de la durabilité et tirent mieux leur épingle du jeu que les hautes écoles spécialisées (HES) qui, plus petites, doivent composer avec des ressources en personnel plus modestes et des moyens financiers limités pour mettre en œuvre une stratégie de durabilité. La petite taille des HES peut cependant s’avérer avantageuse, car elle se prête particulièrement bien à une mise en place rapide des nouveaux processus du fait de la plus grande flexibilité organisationnelle qu’elle induit. Parmi toutes les hautes écoles qui ont été évaluées, les HES sont les établissements qui ont connu l’amélioration la plus notable depuis 2019. 
Quant aux hautes écoles pédagogiques (HEP), elles occupent les dernières places du classement. Nombre d’entre elles indiquent cependant intégrer toujours plus systématiquement le thème de la durabilité à leurs activités. Selon le WWF, elles prennent elles aussi très à cœur cette question.

Développement durable dans le domaine FRI

Le développement durable est un thème transversal de premier plan dans la politique FRI pour les années 2021 à 2024 et au-delà. Il occupe notamment une place centrale dans les programmes pluriannuels 2021–2024 de swissuniversities, du domaine des EPF, du Fonds national suisse et d’Innosuisse. Il est également au cœur de travaux de recherche fondamentaux menés par des institutions du domaine des EPF et fait par exemple l’objet d’un soutien de la part de la Confédération, dans le cadre de la loi sur l’encouragement et la coordination des hautes écoles (LEHE), au travers du projet «U Change – Initiatives étudiantes vers un développement durable». Un projet complémentaire est prévu pour les années 2025 à 2028. L’éducation au développement durable entre aussi en ligne de compte dans le processus de développement des professions. Le guide sur le développement durable dans la formation professionnelle qui est proposé par le SEFRI fournit aux branches et associations professionnelles les bases dont elles ont besoin dans ce domaine.

Recommandations du WWF pour une durabilité plus marquée

Même si l’engagement de tous les types de hautes écoles en matière de durabilité est indéniable, il n’en demeure pas moins, d’après le WWF, qu’aucune de ces institutions ne peut encore servir d’exemple en qualité de pionnière (catégorie la plus élevée dans le rapport d’évaluation). Cela dit, dix hautes écoles (sept HEU et trois HES) font déjà partie des institutions dites ambitieuses. Le WWF pointe toutefois une marge de progression pour ce qui est des objectifs et des mesures fixés: si l’on prend l’exemple de la décarbonisation complète, plus de la moitié des hautes écoles évaluées n’a pas encore pris de décision définitive à ce sujet. 

Dans le cadre de son étude 2021, le WWF formule trois grandes recommandations à l’intention de tous les acteurs concernés (organes responsables des hautes écoles et organisations du domaine des hautes écoles telles que la Conférence suisse des hautes écoles CSHE et la Conférence des recteurs des hautes écoles suisses swissuniversities; certaines directions au niveau des hautes écoles, des facultés, des départements et des instituts):

  • Promouvoir une durabilité forte, qui respecte les limites planétaires et qui ne considère pas l’environnement comme simple ressource économique substituable.
  • Promouvoir une compréhension large de la durabilité, qui englobe toutes les dimensions de la durabilité (environnement, société, économie, culture, technique, perspectives locales à mondiales, justice intergénérationnelle).
  • Agir avec ambition et dès à présent.

Entretien avec le professeur Frédéric Herman

Photo de Frédéric Herman

Après une formation d’ingénieur civil, Frédéric Herman effectue son doctorat en géophysique à l’Université de Canberra. Il travaille ensuite au California Institute of Technology ainsi qu’à l’ETH Zurich. En tant que senior scientist, il développe en particulier un programme de recherche sur les interactions entre le climat et les processus de la surface terrestre. En 2012, il rejoint l’Université de Lausanne avant d’être élu doyen de la Faculté des géosciences et de l’environnement en 2018. Convaincu de la nécessité d’une pensée interdisciplinaire à la croisée des sciences naturelles, humaines et sociales, il devient recteur de l’Université de Lausanne en août 2021.  Photo: Catherine Leutenegger

Dans le rapport sur la durabilité du WWF et d’econcept, l’Université de Lausanne (UNIL) occupe une très bonne place, elle est classée deuxième. Que fait concrètement l’Université de Lausanne pour promouvoir la durabilité?

L’Université de Lausanne met la durabilité au centre de ses réflexions et de son action depuis plus de 10 ans. Cet ancrage n’est pas un vain mot et se retrouve au plus haut niveau de notre institution puisqu’un vice-recteur a été nommé pour cette thématique en 2011. Nous avons aussi, depuis 2019, un Centre de compétences en durabilité (CCD) qui poursuit des objectifs de sensibilisation au niveau de l’enseignement et de la recherche. Notre gouvernance évolue ainsi constamment pour promouvoir toujours plus activement la transition écologique et sociale au sein de l’UNIL. C’est également dans cette veine de prise en compte de tous les aspects qu’une cellule de la transition réunissant les directeurs des différents services ainsi que des membres des sept décanats a été mise sur pied par la Direction en 2022. Cette entité participative a pour ambition d’élaborer des mesures liées à la promotion de la transition écologique et sociale, puis de les proposer à la Direction.

Le CCD vise à promouvoir l’interdisciplinarité en matière de durabilité. Dans quelle mesure l’Université de Lausanne tire-t-elle profit de l’action de ce centre?

L’action du CCD est transversale et permet de cerner les besoins en matière de transition écologique au sein de l’UNIL. Le CCD œuvre d’abord à resserrer les liens entre la communauté des chercheurs et la société civile au travers d’évènements et de projets transdisciplinaires, le but étant de faciliter le transfert de savoirs. Il déploie également ses activités dans le domaine de l’enseignement en travaillant notamment sur l’offre de l’UNIL en matière de durabilité et en tenant compte des attentes des étudiants dans ses décisions. 

Son troisième axe d’action concerne le domaine de la recherche: le CCD a lancé plusieurs projets comme Volteface, une plateforme de recherche sur la transition écologique, ou encore Catalyse, un jeu de rôles qui tend à favoriser la compréhension entre le monde scientifique et les milieux politiques.

Où voyez-vous un potentiel d’amélioration dans le domaine de la durabilité?

D’une manière générale, la Direction veut continuer à inscrire la transition écologique dans les missions de l’institution. L’Assemblée de la transition joue un rôle à ce niveau. Les 60 membres qui la composent, tirés au sort au sein de la communauté universitaire, réfléchissent ensemble à des mesures pour le plan de transition de l’UNIL. À l’issue de ce processus, une proposition de plan devra être présentée en juillet 2023 à la Direction, qui statuera sur la mise en application des mesures proposées. L’UNIL entend également renforcer son action au niveau de l’enseignement. Il s’agit en l’occurrence d’accompagner les étudiants pour les amener à contribuer à la transition écologique.

Entretien avec le professeur Joël Mesot

Photo de Joël Mesot

Joël Mesot est professeur ordinaire de physique et, depuis 2019, président de l’ETH Zurich depuis 2019. Entre 2008 et 2018, il a dirigé l’Institut Paul Scherrer. En sa qualité de président de l’ETH Zurich, il assume la responsabilité politique et juridique de l’établissement et répond notamment de son orientation en matière de durabilité. Photo: Markus Bertschi

Dans le rapport sur la durabilité du WWF et d’econcept, l’ETH Zurich obtient les meilleurs résultats de toutes les hautes écoles suisses. L’une des raisons en est le nombre de ses initiatives en faveur de la durabilité. Pourquoi tous ces projets sont-ils si importants?

Pour arriver à un résultat, il faut à la fois des initiatives qui s’appuient sur les acteurs de terrain et des objectifs définis à un degré plus élevé. Beaucoup de bonnes idées et de pistes émanent de nos étudiants ou de nos départements. Dans le même temps, le thème de la durabilité est également inscrit au niveau de la direction depuis de nombreuses années puisque nous avons notamment un délégué à la direction pour la durabilité et différentes équipes, qui jouent un rôle essentiel en matière de sensibilisation et d’élaboration de solutions. Nos excellents résultats dans le rapport du WWF s’expliquent aussi par la base de données que nous utilisons pour notre établissement. Grâce à cet outil, nous pouvons en effet suivre l’évolution de l’ETH Zurich et vérifier en tout temps l’efficacité des mesures que nous prenons.

L’ETH Zurich a inscrit dans sa stratégie l’objectif zéro émission nette d’ici 2030. Comment s’y prend-elle pour faire de la neutralité carbone une réalité?

En quelques mots, il s’agit d’éviter, de réduire et de compenser les émissions de CO2 – dans cet ordre des priorités. Au travers d’inves-tissements, par exemple dans le réseau d’anergie sur le campus Hönggerberg, nous avons déjà pu réduire sensiblement les émissions par les processus de chauffage et de refroidissement. Nous utilisons le campus comme un laboratoire pour tester les technologies dans un environnement grandeur nature. D’autres projets portent sur les objectifs de réduction des émissions de CO2 et sur les changements de comportements par rapport à la question des voyages en avion dans la communauté scientifique ou des plats proposés dans les restaurants de notre campus. De plus, nous nous employons actuellement à calculer les émissions de CO2 indirectement produites par les activités externes de l’ETH Zurich qui sont liées à la chaîne de valeur complète. Ce que l’on appelle le périmètre scope 3 constitue le plus grand défi en ce qui concerne la réduction de notre empreinte écologique. Je citerais en dernier lieu la contribution non négligeable de nos spin-off, dont les innovations viennent soutenir la Suisse et le monde dans leurs efforts de décarbonisation. Or, il nous faut encore plus d’innovations afin que nous puissions mettre le cap aussi rapidement que possible et de manière durable sur un avenir sans énergies fossiles.

Où voyez-vous encore un potentiel d’amélioration à l’ETH Zurich dans le domaine de la durabilité?

Nous sommes toujours en train d’apprendre. Nous avons certes beaucoup de mesures volontaires, mais le problème est qu’elles ne sont pas encore assez opérantes. Nous en sommes à un point où les mesures doivent être plus contraignantes. En publiant le livre blanc sur la neutralité carbone, nous nous sommes fixé l’objectif de zéro émission nette d’ici 2030. C’est une mission de taille et dans le même temps une chance. La neutralité climatique relève d’une responsabilité conjointe qui demande concertation et détermination dans tous les domaines clés de l’institution. Nous ne sommes pas seulement partie prenante de la société, nous voulons aussi être partie prenante de la solution afin que tous ces efforts aboutissent.


Contact
Marlene Iseli, SEFRI Conseillère scientifique, unité Politique des hautes écoles marlene.iseli@sbfi.admin.ch +41 58 462 44 23
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Laura Stirnimann