Le système éducatif suisse, une mission commune de la Confédération, des cantons et des partenaires sociaux

Quels sont ces dix prochaines années les trois plus grands enjeux du système éducatif suisse? J’ai été amenée à répondre à cette question sur le blog du Conseil suisse de la science à l’occasion du 60e anniversaire de cet organe. Et voici les trois enjeux que j’ai identifiés.

20.10.2025
Auteur/e: Martina Hirayama
Une femme en blazer qui sourit à la caméra.
Depuis le 1er janvier 2019, Martina Hirayama est secrétaire d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation. Photo: Monique Wittwer

Tous les pays cherchent à disposer de la main-d’œuvre qualifiée qu’exige une économie en perpétuelle évolution et à faire concorder l’offre et la demande sur le marché du travail. Les statistiques le prouvent: la Suisse tire bien son épingle du jeu. Le taux de chômage global et le taux de chômage des jeunes sont notablement bas en comparaison internationale. L’explication en est la bonne marche de l’économie et le grand nombre d’emplois qu’elle génère. Mais impossible de pourvoir ces emplois sans des professionnels aux compétences effectivement demandées par les branches et les entreprises. L’économie doit pouvoir compter sur un large vivier de spécialistes. La formation professionnelle apporte une contribution très précieuse en la matière puisqu’aujourd’hui encore, les jeunes en Suisse sont près de deux tiers à entrer dans le monde du travail par le biais d’un apprentissage. Le lien étroit entre la théorie et la pratique permet d’acquérir des compétences directement applicables.

Pour qu’il en soit toujours ainsi, nous devons continuer à prendre soin de la formation professionnelle et à montrer aux jeunes et à leur famille combien cette voie est une valeur sûre. C’est à nous de préserver la reconnaissance sociale dont bénéficie la formation professionnelle. Il importe également que les investissements dans la formation gardent tout leur attrait pour les entreprises, qui, ne l’oublions pas, sont garantes d’un facteur de compétitivité décisif: leurs collaborateurs.

Prendre soin de la formation professionnelle signifie aussi faire évoluer les programmes d’enseignement dans le temps et avec le temps. L’intelligence artificielle est devenue incontournable dans l’économie, la société et la vie quotidienne. Pour préparer les jeunes au monde du travail de demain, il faut que les compétences en matière d’IA fassent partie intégrante de l’enseignement scolaire et de la formation professionnelle et qu’elles englobent le sens critique, l’esprit créatif et la conscience éthique. L’initiative Formation professionnelle 2030 porte sur des mégatendances telles que la numérisation et la mobilité professionnelle croissante, ou encore le défi démographique qui attend les individus et les entreprises. Nous devons continuer dans cette voie en prenant appui sur le partenariat de la formation professionnelle.

Favoriser la perméabilité du système éducatif, mais pas pour la perméabilité en soi

Selon la Constitution fédérale, le système éducatif suisse doit être à la fois de haute qualité et perméable. Si le maintien d’un haut niveau de qualité est une gageure dans une époque en pleine mutation, la perméabilité est déjà une vraie réalité: que ce soit horizontalement ou verticalement, les diplômes ne donnant pas accès à d’autres formations sont aujourd’hui pratiquement inexistants. Mais que les personnes désireuses de se former se rassurent, ce n'est pas pour autant qu’il ne doit plus ou ne peut plus y avoir de nouvelles voies de formation. Cela dit, le niveau individuel en termes d’aptitudes, de compétences et de prestations doit rester la condition sine qua none, car la sélection est intimement liée à notre système éducatif. Un système dont nous devons prendre soin dans son ensemble en maintenant des passerelles facilement identifiables et rattachées à des offres de formation aux profils clairs.

Développer les profils des différents types de hautes écoles et exploiter les synergies

Un système éducatif capable de s’adapter aux besoins à venir conçoit la formation professionnelle et la formation académique comme deux piliers équivalents et complémentaires. Une conception qui se retrouve dans les profils des hautes écoles. Fortes de leur recherche fondamentale, de leur excellence scientifique et de leur intégration dans les réseaux internationaux, les universités contribuent tout autant à la force d’innovation et au transfert de savoir que les hautes écoles spécialisées, axées sur la pratique et en prise directe avec le marché du travail. Les hautes écoles pédagogiques sont pour leur part chargées de former le corps enseignant. Ces trois types de hautes écoles renforcent la perméabilité et la diversité du système éducatif.

Les hautes écoles sont tenues d’asseoir et de développer leur position de leader, chacune en fonction de son profil – non seulement par la recherche d’excellence, des formats d’enseignement innovants et un maillage international, mais aussi par l’encouragement du transfert de savoir et de technologie et un engagement socialement responsable. À cela s’ajoutent aujourd’hui des attentes particulières comme celle de cerner au plus près les potentiels de l’IA dans la recherche, l’enseignement et l’administration, et ce, en assurant une capacité d’action financière à long terme. Dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu, les hautes écoles doivent appréhender les coopérations internationales dans une logique stratégique sans perdre de vue la sécurité des connaissances. L’accélération des évolutions scientifiques, technologiques et sociétales exige un positionnement stratégique et une adaptabilité, avec toujours l’excellence en point de mire. Il est dès lors important de soigner les profils des différents types de hautes écoles et de mettre en œuvre de manière cohérente les thèmes transversaux que sont la transformation numérique, le développement durable, l’équité et la coopération nationale et internationale dans tous les domaines de prestations.

À l’échelle nationale, il s’agit d’organiser et d’exploiter à dessein les synergies entre les hautes écoles sans faire fi de la concurrence, car coopération et concurrence sont le duo gagnant de la force d’innovation et de la qualité. Il faut réussir, tout en préservant l’autonomie des acteurs, à mieux identifier et exploiter, dans le respect des intérêts cantonaux et régionaux, les potentielles synergies nationales pour permettre à notre remarquable système des hautes écoles de continuer à s’imposer face à la concurrence internationale.

L’excellence est également encouragée de manière déterminante au travers des subventions allouées sur une base compétitive par le Fonds national suisse (FNS) et Innosuisse et par le biais de programmes internationaux. De par leurs critères d’évaluation, le FNS et Innosuisse influent indirectement sur les profils des hautes écoles et ont une responsabilité en la matière. Qui dit excellence ne dit pas seulement résultats exceptionnels dans la recherche, l’enseignement et le transfert de savoir et de technologie, mais aussi résilience, ouverture, dialogue avec la société et les milieux politiques et capacité à créer activement de nouvelles conditions-cadres.

Et enfin, dernier point: il ne peut y avoir de système éducatif suisse à même d’évoluer de manière cohérente dans sa globalité et de composer avec les changements sociétaux, économiques, technologiques et géopolitiques sans l’action commune de la Confédération, des cantons et des partenaires sociaux.