L’Amazonie comme prochain laboratoire d’innovation mondial
La forêt tropicale à la biodiversité la plus riche sur Terre se profile comme laboratoire où convergent nature, savoirs indigènes et recherche de pointe. nexBio Amazônia, une initiative suisso-brésilienne soutenue par Swissnex et la Leading House Amérique Latine, donne vie à ce potentiel.

Les raisons pour lesquelles l’Amazonie fait les gros titres sont généralement sombres: déforestation, incendies, points de bascule menaçants. Toutefois, à y regarder de plus près, une autre histoire se dessine. La plus grande forêt tropicale au monde est en train de devenir un laboratoire vivant pour le développement durable, un endroit dans lequel la biodiversité se transforme en données à exploiter et où les pratiques indigènes fonctionnent comme des technologies avancées. L’enjeu est tout bonnement de savoir si l’humanité peut concevoir une économie qui régénère les écosystèmes plutôt qu’elle ne les détruit.
C’est cette perspective qui a retenu l’attention cet été durant la deuxième édition de nexBio Amazônia, une immersion de deux semaines dans les villes de Belém et de Manaus, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Le programme a réuni 23 chercheurs et entrepreneurs de Suisse et du Brésil pour élaborer, en collaboration avec des institutions locales et des chefs indigènes, des manières de mettre en lien la richesse sociale, culturelle et naturelle de la forêt et les débouchés sur le marché, sans répéter les erreurs passées du secteur extractif.
«La véritable innovation, c’est de co-créer des outils modernes à l’aide du savoir traditionnel et de renforcer ce qui fonctionne déjà.»
Pilotée par Swissnex au Brésil, la Leading House Amérique Latine (Université de Saint-Gall) et le Conseil national brésilien des agences de financement d’État (National Council of State Research Support Foundations, CONFAP), l’initiative a été conçue moins comme une mission commerciale que comme un exercice visant à renforcer la confiance, une expérience de co-création par-delà les continents et les disciplines.
Une bioéconomie à un milliard de dollars
La bioéconomie brésilienne montre ce qui est en jeu. Les analystes estiment qu’elle pourrait générer jusqu’à 140 milliards de dollars par an d’ici 2032, avec des chaînes de valeur allant de la pharmaceutique et des cosmétiques aux aliments fonctionnels, en passant par les biomatériaux. La logique est simple: il est plus rentable d’avoir des arbres debout que des arbres abattus. Néanmoins, pour que cette logique devienne réalité, l’intégration du savoir-faire traditionnel des communautés locales et indigènes est nécessaire, en plus de la recherche en laboratoire et des investissements.
Pour Rahel Guggenbühl, fondatrice de la start-up suisse de technologie financière Reilo, qui transforme les services issus des écosystèmes forestiers en garantie pour la microfinance, la leçon à tirer était claire: «La véritable innovation, c’est de co-créer des outils modernes à l’aide du savoir traditionnel et de renforcer ce qui fonctionne déjà.»

Des innovations avec racines
Les projets les plus prometteurs n’étaient pour certains pas du tout axés sur des biotechnologies futuristes, mais visaient plutôt à repenser les ressources existantes. Rita de Cássia, une chercheuse de l’Université de São Paulo, transforme les déchets de semences de l’Amazonie en nanofibres pour créer des filtres à eau de dernière génération: une manière certes simple mais puissante de fournir de l’eau propre tout en protégeant les écosystèmes. Elle a décrit nexBio Amazônia comme une expérience réellement marquante, qui mêle science et humanité et donne un véritable sens à la recherche en transformant le savoir en un outil à l’impact positif.
D’autres participants se sont quant à eux penchés sur la science des matériaux et l’agriculture résiliente au climat. David Rast, le fondateur de la start-up suisse Mycostrat, laquelle produit du mycélium pour en faire des matériaux de construction durables, a relevé que la valeur du programme allait au-delà des projets. Il a affirmé: «Le programme ne portait pas uniquement sur des projets, mais aussi sur la construction d’amitiés et d’alliances durables».
Les Voix de la forêt
Les Voix de la forêt, événement d’ouverture de nexBio Amazônia organisé en partenariat avec l’ambassade de Suisse au Brésil dans le cadre du programme Road to Belém, a souligné les intérêts en jeu. Dario Kopenawa Yanomami, vice-président de l’association Hutukara Yanomami, a rappelé aux participants que, sans égard aux savoirs indigènes, l’innovation risquait de retomber dans de vieux écueils.
Ce message s’est vu renforcé par une masterclass avec le scientifique brésilien Ismael Nobre, qui a présenté l’approche de l’institut Amazônia 4.0, dédié à l’intégration de technologies, à la production durable et à la bioéconomie dans le but de favoriser un développement inclusif. Mises en commun, ces perspectives ont fait ressortir à la fois le défi et l’aubaine qui se dessinent: des solutions durables n’émergeront qu’en conjuguant les savoirs ancestraux et la science de pointe.
De Belém à l’international
Le véritable apport de nexBio Amazônia réside dans la confiance que cet événement a construite et dans le changement des mentalités qu’il a amorcé. Les participants sont repartis avec des projets plus affinés, des réseaux plus vastes et une compréhension plus large de ce que signifie considérer l’Amazonie comme un partenaire plutôt que comme un site de conservation ou d’exploitation.
Benjamin Bollmann, directeur général de Swissnex au Brésil, le formule ainsi: «L’Amazonie n’est pas seulement un écosystème vital pour la planète, mais aussi un pôle d’innovation unique où la Suisse et le Brésil peuvent co-créer des solutions pertinentes à l’échelle mondiale. À l’approche du sommet des Nations unies sur le climat COP30, qui se tiendra à Belém, les programmes tels que nexBio Amazônia montrent à quel point des innovations locales peuvent avoir des répercussions internationales.»
La morale est simple, mais profonde: le futur de l’innovation ne se construira pas uniquement à la Silicon Valley ou à Zurich. De plus en plus, elle est prototypée là où se rencontrent les rivières, les cultures et les écosystèmes, au cœur de la biodiversité la plus riche du monde.
Swissnex
Swissnex est le réseau mondial suisse chargé de tisser des liens dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation. Sa mission est de soutenir le rayonnement international de ses partenaires ainsi que leur participation active à l’échange mondial de connaissances, d’idées et de talents.
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