Hautes écoles Coopérations internationales en matière de formation

Expertise sur l’Europe de l’Est

Dans le domaine de la coopération internationale en matière de formation, le SEFRI soutient une sélection de coopérations. Il vise ainsi à ancrer de façon optimale le pôle FRI suisse dans les réseaux internationaux. À travers leurs coopérations avec des partenaires en Europe de l’Est et dans la région de la Mer Noire, les universités suisses renforcent notre pays en tant que pôle de recherche.

10.02.2023
Auteur/e: Jérôme Hügli
Photo de groupe de la conférence annuelle du GCE
Participants à la Conférence annuelle du CGC à Tbilissi en septembre 2022. Photo: CGC

Dans le cadre de ses mesures d’encouragement de la coopération internationale en matière de formation, le SEFRI soutient une sélection de coopérations nouées par des hautes écoles suisses avec des partenaires et des centres de compétence étrangers d’excellence. Le développement et la consolidation d’une expertise et de réseaux scientifiques, les échanges et le transfert de savoir et la stimulation d’approches novatrices et interdisciplinaires se situent au premier plan. La plus-value de ce type de coopérations se ressent surtout dans les domaines où le potentiel scientifique est resté sous-exploité. C’est le cas notamment de plusieurs coopérations qui mettent l’accent sur l’Europe de l’Est et la Mer Noire, des espaces géographiques qui constituent une priorité depuis plusieurs années. Trois de ces initiatives sont présentées ci-après. Ensemble, elles contribuent à asseoir durablement l’excellence de la recherche dans ce domaine.

Centre pour la gouvernance et la culture (CGC), Université de Saint-Gall

Le programme du CGC met l’accent sur l’encouragement de la recherche scientifique en sciences humaines et sociales dans la coopération entre la Suisse et les pays du bassin de la Mer Noire. Il contribue à approfondir les compétences suisses sur l’Europe de l’Est. À l’époque de la guerre froide, la Suisse s’intéressait surtout à la Russie; d’importantes évolutions qui se jouaient dans les autres pays de la région dits du «bloc de l’Est» étaient comparativement négligées. De nos jours, le fait de formuler des questions de recherche en les inscrivant dans un contexte géographique élargi constitue un progrès susceptible de mener à des connaissances pertinentes à la fois pour l’Europe occidentale et pour la Suisse.

Il s’agit aussi d’améliorer le maillage entre les acteurs suisses et les pays partenaires. Les projets de recherche, les programmes et les conférences mis en place en commun sur une base transnationale et interdisciplinaire sont des relais essentiels à ce titre. Le CGC s’attache à lancer et à mener de tels projets de recherche en sciences politiques, en économie, en histoire des cultures et en sociologie. La priorité est donnée aux questions de recherche novatrices qui, de manière générale, partent d’une approche différenciée entre les pays, voire d’une approche comparative. En effet, dès qu’ils s’agit d’une thématique complexe, les approches analytiques habituelles, à savoir celles avec une forte catégorisation selon les nations, révèlent rapidement leurs limites. La façon d’aborder les conséquences de la pandémie de COVID-19, les conséquences de la numérisation sur les processus sociétaux ou les flux migratoires et les déplacements de réfugiés pour cause de conflits sont quelques exemples qui reposent sur une analyse exclusivement nationale. Or, les sociétés du bassin de la Mer Noire sont un champ de recherche d’un intérêt exceptionnel pour explorer ces thématiques en raison de leur forte imbrication sur les plans historique, culturel et économique.

Ces coopérations visent également à soutenir les capacités scientifiques au sein des institutions partenaires: dans la région de la Mer Noire, des réformes restent nécessaires pour que les instituts partenaires puissent développer leur compétitivité internationale. C’est pourquoi le CGC coopère étroitement avec les instituts d’études avancées d’Europe du Sud-est, entre autres, avec des institutions d’envergure de la région de la Mer Noire et avec d’autres partenaires réputés au niveau international, comme le Harvard Ukrainian Research Institute. Il est particulièrement important à ce niveau d’encourager la relève parmi les jeunes chercheurs, notamment en leur offrant la possibilité d’assister à des colloques internationaux, à la fois pour pouvoir soumettre leurs travaux aux critiques d’un public spécialisé et pour rencontrer leurs pairs. Ce fut par exemple le cas lors de la Conférence annuelle du CGC à Tbilissi (Géorgie), en septembre 2022, où de nouveaux projets et résultats de recherche ont été présentés sur le thème «migration, mobilité et déplacements dans la région de la Mer Noire», contribuant ainsi à mieux comprendre les évolutions actuelles dans cette région.

Photo de groupe de dix personnes sur une terrasse de toit
L’équipe du CEES en compagnie des boursiers de la promotion 2021. Photo: CEES

Center for Eastern European Studies (CEES), Université de Zurich 

Fondé en 2017, le CEES a lui aussi pour objectif de répondre aux besoins émergents pour une expertise sur l’Europe de l’Est. Du point de vue géographique, il se concentre surtout sur l’espace post-soviétique, en particulier sur la Russie, le Caucase et l’Asie centrale. En tant que pôle majeur d’information et de renseignement, il met son savoir à la disposition des décideurs politiques et économiques et au public intéressé sous la forme de publications, de séminaires et de services de conseil. Le CEES exploite aussi une plateforme de coordination destinée à diverses activités nationales et internationales sur l’Europe de l’Est et mène des projets de coopération scientifique avec des partenaires suisses et étrangers. Ainsi, le programme de bourses fondé en 2019 a permis à de jeunes adultes issus des milieux académiques de suivre un semestre d’études à l’Université de Zurich et d’y échanger avec des chercheurs du CEES autour de projets de recherche individuels.

La formation des futurs spécialistes de l’Europe de l’Est dans les sciences et dans la pratique est une visée centrale du CEES. Ce dernier enrichit l’offre de formations de l’Université de Zurich par des manifestations consacrées spécifiquement aux problèmes contemporains de l’Europe de l’Est. Dans sa fonction de cellule de réflexion, il couvre toute une panoplie d’événements afin de susciter les débats publics, des séminaires scientifiques jusqu’aux grands congrès internationaux. Les coopérations stratégiques avec des institutions de recherche réputées, parmi lesquelles on peut citer le Center for Security Studies de l’ETH Zurich et le Forschungsstelle Osteuropa de l’Université de Brême, relèvent également des tâches du CEES.

Le CEES structure ses recherches autour de cinq thématiques sur les grandes évolutions politiques et sociales en Europe de l’Est:

  • Conflits politiques et violences, tels qu’ils se manifestent dans le Caucase du Sud (Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabakh), dans le Caucase du Nord, dans certaines régions d’Asie centrale et, depuis peu, en Ukraine.
  • Désinformation, c’est-à-dire la diffusion ciblée de fausses informations ou d’informations prêtant à confusion. Ce domaine se penche sur le rôle de la désinformation dans les relations tendues entre la Russie et l’Occident, sur les narratifs et les stratégies rhétoriques qui sous-tendent la désinformation.
  • Bases sociales du pouvoir politique. En portant l’attention sur les États de l’espace post-soviétique avec un régime autoritaire, ce domaine thématique pose en particulier les questions relatives aux caractéristiques, à la stabilité et à la faculté de changement des systèmes politiques.
  • Migrations, y compris circulation des biens et des savoirs, avec une focale sur l’Asie centrale.
  • Géopolitique, avec ses forces intégratives et ses forces désintégratives dans la région eurasiatique centrale depuis la chute de l’Union soviétique.
Table ronde avec le public à l'Université de Bâle
Discussion sur le thème «Russia’s War Against Ukraine. Why Now and What’s Next?» à l’Université de Bâle, 2022. Photo: URIS

Ukrainian Research in Switzerland (URIS), Université de Bâle

Le projet URIS se concentre sur une région géographique. À la suite du Maidan en Ukraine et de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, en infraction avec le droit international, il est apparu nettement que la Suisse devait combler ses lacunes du point de vue de l’expertise spécifique et de la compréhension de l’histoire, de la société, de la politique et de la culture ukrainiennes. Le projet URIS a été lancé en 2017 avec pour objectifs d’apporter une contribution durable sur l’expertise suisse concernant l’Ukraine, d’encourager la relève scientifique sur ce sujet et de renforcer les réseaux internationaux de la recherche universitaire réalisée en Suisse sur l’Ukraine.

Le cœur de ce projet est un programme de bourses international destiné aux scientifiques détenteurs d’un doctorat. Chaque année, deux boursiers de renommée mondiale (venant d’Ukraine ou d’autres pays) sont invités à l’Université de Bâle pour un séjour d’études de six mois pendant lesquels ils transmettent leur savoir aux étudiants dans le cadre de séminaires. Parallèlement, ils tissent des liens avec des chercheurs suisses, participent à des événements publics et inter-viennent en tant qu’experts dans les médias suisses.

En plus de son programme de bourses, URIS gère une base de données et un site internet consacrés aux recherches suisses sur l’Ukraine et organise régulièrement des événements, des cours d’ukrainien et des conférences en ligne avec des experts renommés. Au second semestre 2022, une série de conférences sur l’histoire de l’Ukraine ont enregistré une fréquentation dépassant les 400 personnes. Au cours des cinq dernières années, URIS a ainsi réussi à mettre en place un réseau de scientifiques qui contribue visiblement à renforcer la recherche universitaire suisse sur l’Ukraine.

Une précieuse contribution de la Suisse au renforcement de la politique FRI

Les initiatives des universités de Saint-Gall, de Zurich et de Bâle dans le domaine des sciences consacrées à l’Europe de l’Est poursuivent des buts similaires. Tout en restant complémentaires, elles diffèrent toutefois de par leur orientation géographique et thématique et recherchent régulièrement la collaboration, par exemple à travers des ateliers organisés en commun et des journées destinées à la relève. Leurs projets sont au cœur d’un réseau qui ne cesse de grandir, composé de spécialistes, d’étudiants et de personnes issues de la politique, de l’économie et de la société civile qui s’intéressent à ces thématiques. Le développement ciblé de l’expertise suisse contribue à long terme à renforcer le domaine FRI, mais se révèle aussi particulièrement précieux dans le contexte actuel en Europe de l’Est.


Contact
Jérôme Hügli, SEFRI Chef suppléant de l'unité Programmes internationaux de formation jerome.huegli@sbfi.admin.ch +41 58 465 86 73