Que savons-nous au juste des compétences des personnes réfugiées?

Le Conseil fédéral souhaite mieux cerner et mettre à profit les aptitudes professionnelles et scolaires des personnes réfugiées en Suisse. Son objectif est d’améliorer leur intégration dans le marché du travail et de réduire les coûts à long terme, notamment ceux de l’aide sociale. Un rapport récent dresse un état des lieux des données disponibles concernant le niveau de formation et l’employabilité des personnes réfugiées et identifie les domaines où elles sont encore lacunaires.

20.05.2025
Auteur/e: Hervé Bribosia
Diverses images individuelles de personnes effectuant différents travaux
Selon leur statut de séjour, les personnes réfugiées peuvent exercer une activité lucrative, soit dans le cadre d’une procédure d’annonce, soit par le biais d’une autorisation préalable. Photo: Iris Krebs

En décembre 2024, le Conseil fédéral a publié un rapport détaillé des données relatives aux compétences des personnes réfugiées. Ce dernier a été élaboré dans le cadre d’une collaboration entre différents offices fédéraux et plusieurs conférences cantonales, sous la coordination du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). Il fait suite à une intervention parlementaire de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national (postulat 22.3393), qui s’inscrit notamment dans le contexte de l’arrivée de nombreux réfugiés ukrainiens éligibles au statut de protection S. La question centrale du postulat était la suivante: comment identifier et mettre à profit rapidement le potentiel individuel des personnes réfugiées afin de favoriser leur intégration et d’atténuer dans le même temps la pénurie de personnel qualifié?

Que faut-il entendre par «compétences»?

Le rapport inclut dans le terme «compétence» le niveau de formation (p. ex. les diplômes), l’aptitude à suivre une formation, l’expérience professionnelle et le potentiel d’intégration sur le marché du travail. Une fois que les personnes réfugiées ont été attribuées personnellement à un canton, les services compétents collectent certaines données à leur sujet afin de pouvoir élaborer des plans d’intégration individuels. Ces données sont prises en compte sous forme agrégée dans le suivi de l’Agenda Intégration Suisse (AIS) de la Confédération. Un projet pilote est actuellement mené par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) en collaboration avec l’Office fédéral de la statistique (OFS) afin de mieux exploiter ces données. 

Intégration par le biais des structures ordinaires de la formation et du marché du travail

Le rapport accorde une attention particulière à l’accès des personnes réfugiées aux «structures ordinaires», c’est-à-dire aux institutions de formation ordinaires et aux instruments du marché du travail. Ces structures comprennent notamment les écoles professionnelles, les universités, les services de reconnaissance des diplômes étrangers, les offices régionaux de placement (ORP) ou encore les services d’aide sociale. Dans le cadre de leurs activités, elles sont également amenées à collecter des données personnelles, qui sont régulièrement intégrées dans les statistiques publiques. En outre, le rapport passe en revue les systèmes statistiques existants, tels que le système d’information national (SYMIC; données sur la migration), les indicateurs de l’intégration, l’enquête suisse sur la population active (ESPA), le relevé structurel et la statistique de l’éducation, pour récolter des informations sur les compétences des personnes réfugiées. 

Parcours de formation des jeunes réfugiés

Peu avant la finalisation du rapport, l’OFS a publié une étude sur les parcours de formation  des jeunes de 16 à 25 ans issus du domaine de l’asile. Elle fonde sur les données des analyses longitudinales dans le domaine de la formation (LABB), du SYMIC et de la Statistique de la population et des ménages (STATPOP). Les résultats de l’étude montrent qu’une part toujours plus grande de jeunes réfugiés choisit de commencer une formation postobligatoire, souvent après avoir d’abord bénéficié d’une offre transitoire. Les jeunes femmes sont toutefois nettement moins bien représentées, souvent en raison d’obligations familiales. 

Parmi les jeunes réfugiés en formation, quelque 60% se tournent vers une formation de deux ans débouchant sur une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP), notamment dans le commerce de détail, dans l’assistance aux soins ou dans le domaine de la technique du bâtiment. Le taux de réussite atteint près de 86%, il est donc presque équivalent à celui des jeunes qui ont été scolarisés en Suisse. L’AIS s’est fixé comme objectif que deux tiers des 16 à 25 ans aient entamé une formation cinq ans après leur arrivée en Suisse. Ce taux n’est certes pas encore atteint, mais pour la cohorte 2017, le taux était déjà de 52%, alors qu’en 2012, il ne s’élevait qu’à 32%. 

Nombre de personnes relevant du domaine de l’asile inscrites dans un ORP (état: février 2025)

Statut de séjour des personnes relevant du domaine de l’asile

Nombre des demandeurs d’emploi inscrits à l’ORP 

Nombre de personnes sans activité lucrative en âge de travailler (18-64)

Part des demandeurs d’emploi inscrits à l’ORP sans activité lucrative et en âge de travailler (18-64)

B (réfugiés reconnus)s

1545

24'391

6,3 % 

F (réfugiés et autres personnes admises à titre provisoire)

1842

17'181

10,7 %

S (personnes à protéger)

2678

29'255

9,2 %

N (requérants d’asile)

70

11'142

0,6 %

Total 

6135

81'969

7,5 %

Source: SECO

Statut de protection et marché du travail

Selon leur statut de séjour, les personnes réfugiées peuvent exercer une activité lucrative, soit dans le cadre d’une procédure d’annonce, soit par le biais d’une autorisation préalable. À cette occasion, les cantons saisissent dans leurs registres des informations sur le domaine d’activité de la personne concernée, informations qui sont pour certaines intégrées dans le SYMIC. Le portail EasyGov du SECO permet aux employeurs d’envoyer des annonces d’activité lucrative sous forme numérique. Parmi les personnes au bénéfice du statut de protection S, le taux d’emploi est actuellement d’environ 31%. Le Conseil fédéral vise toutefois un taux de 40%. Les personnes aptes à travailler sont automatiquement signalées aux ORP par les services sociaux – même si elles ne perçoivent pas d’indemnités de chômage. Les ORP collectent dans ce contexte des informations sur le niveau de formation et l’expérience professionnelle des personnes, mais seule une petite part des réfugiés passe par cette procédure (env. 5 à 10%). 

Conclusion: un potentiel important, mais encore des progrès à faire

Le rapport du Conseil fédéral dresse un premier constat: la Suisse dispose de nombreuses sources de données sur le niveau de formation et l’intégration des personnes réfugiées – mais ces données sont souvent fragmentées et exploitées de manière trop peu systématique. En outre, il manque notamment une vision globale des qualifications et des compétences professionnelles réelles. Fort de ce constat, le SEM a annoncé qu’il entend élaborer un rapport sur l’intégration au cours des prochaines années. Celui-ci doit analyser de manière approfondie comment évolue le processus d’intégration sociale et professionnelle de la population réfugiée – et comment il est possible de soutenir ce processus de manière plus ciblée au niveau politique et dans la pratique. 

Accueil et intégration des personnes avec statut de protection S: étapes clés

11 mars 2022

Le Conseil fédéral a activé le statut de protection S pour les personnes en quête de protection en provenance d’Ukraine, à partir du 12 mars 2022.

1er mars 2023

Les jeunes en provenance d’Ukraine doivent pouvoir suivre une formation complète en Suisse.

1er novembre 2023

Le Conseil fédéral décide que 40% des réfugiés d’Ukraine en âge de travailler et titulaires du statut S devraient avoir un emploi d’ici fin 2024.

8 mai 2024

Le Conseil fédéral renforce les mesures d’intégration professionnelle des bénéficiaires du statut S, notamment par la nomination d’un délégué à l’intégration professionnelle, chargé de renforcer les liens avec les entreprises.

20 juin 2024

Première rencontre nationale consacrée à l’intégration professionnelle des réfugiés.

4 septembre 2024

Le Conseil fédéral a prolongé pour la troisième fois le Programme S parallèlement au statut de protection S jusqu’au 4 mars 2026.

26 février 2025

Le Conseil fédéral a lancé une consultation jusqu’au 2 juin prochain sur un projet visant à promouvoir l’emploi des bénéficiaires du statut S, ainsi que des ressortissants d’États tiers formés en Suisse.

Évolution du Programme fédéral «Mesures de soutien pour les personnes avec statut de protection S».


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Hervé Bribosia, SEFRI Espace suisse de formation herve.bribosia@sbfi.admin.ch +41 58 484 91 28
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Hervé Bribosia